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Succession : la loi pour forcer les héritiers à décider

Une proposition de loi déposée en septembre 2025 entend mettre fin aux blocages chroniques de l'indivision successorale. Décryptage d'un texte qui pourrait bouleverser la gestion des héritages immobiliers.

Quatre héritiers, quatre volontés, zéro solution

Vous héritez de l'appartement familial avec vos trois frères et sœurs. Votre sœur imagine déjà les revenus locatifs. Votre frère veut s'y installer. Le troisième refuse catégoriquement de participer aux charges. Et vous ? Vous voulez vendre pour tourner la page et récupérer votre part.

Quatre héritiers, quatre visions inconciliables. Résultat : le bien reste vide, les factures s'empilent, les tensions explosent. Cette situation porte un nom : l'indivision. Et elle paralyse des milliers de biens en France.

Un phénomène qui dépasse le cadre familial

« L'indivision n'est plus un simple sujet privé, elle est devenue un facteur structurel de blocage du marché immobilier », affirme François Jolivet, député Horizons à l'origine d'une proposition de loi déposée le 16 septembre 2025.

Le constat est sans appel : maisons, appartements, terrains restent immobilisés pendant des années, parfois des décennies, faute d'accord entre héritiers. Ces biens fantômes échappent totalement au marché, alors que la demande de logements reste tendue partout en France.

Les communes rurales paient le prix fort. Leurs centres-bourgs se vident, les façades se dégradent, les commerces ferment. L'inaction de quelques héritiers déconnectés du territoire façonne malgré eux le visage de nos villages. Ce qui commence comme un différend familial finit par creuser les inégalités d'accès au logement.

Une convention obligatoire dans les trois mois

Pour sortir de l'impasse, le texte impose une obligation simple : signer une convention d'indivision dans les trois mois suivant le décès. Ce document devra préciser qui gère le bien, comment se prennent les décisions et qui paie les charges.

L'idée n'est pas de forcer immédiatement la vente, mais de transformer une situation floue en cadre structuré. Passer, selon les mots du député, « d'une logique d'inaction à une logique d'organisation ». Chacun connaît ses droits, ses devoirs, et le fonctionnement concret de la copropriété familiale.

Le bâton et la carotte fiscale

Pour faire respecter cette obligation, la proposition joue sur deux leviers fiscaux. Les héritiers qui signent rapidement leur convention bénéficieront d'une exonération des droits fixes d'enregistrement. Ceux qui traînent des pieds devront s'acquitter d'une taxation de 0,5 % sur la valeur des biens lors du partage final.

Le message est clair : vous avez géré rapidement ? Vous économisez. Vous avez laissé pourrir la situation ? Vous payez. Une logique punitive assumée, destinée à briser l'inertie qui caractérise souvent les successions conflictuelles.

Pas d'organisation, pas de partage

Le texte va plus loin en introduisant une règle inédite : sans convention signée, impossible d'exiger le partage ou la vente du bien. Aujourd'hui, la loi permet à chaque héritier de réclamer sa part, car « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision ».

Mais ce principe, censé protéger les cohéritiers, « laisse prospérer l'inaction » selon François Jolivet. La nouvelle loi inverse donc la logique : d'abord s'organiser collectivement, ensuite décider individuellement. Un renversement de perspective qui pourrait faire grincer des dents chez les avocats spécialisés en droit des successions.

Les effets attendus sur le marché immobilier

Si elle est votée, cette réforme pourrait remettre des milliers de biens sur le marché. Les centres-bourgs retrouveraient des habitants, les villages fantômes reprendraient vie. La fluidité du marché immobilier s'améliorerait mécaniquement.

Pour les familles, l'impact serait tout aussi concret : moins de conflits coûteux devant les tribunaux, une clarification immédiate des responsabilités, et surtout, une sortie accélérée des situations de blocage qui empoisonnent les relations pendant des années.

Les zones d'ombre du texte

Malgré un principe séduisant, plusieurs questions restent en suspens. La taxation de 0,5 % s'appliquera-t-elle sur la valeur vénale du bien ? Sur les parts effectivement partagées ? « C'est encore en cours de calage », reconnaît-on dans l'entourage du député.

Le calendrier législatif reste flou. Dans le contexte d'instabilité politique actuel, difficile de prévoir quand ce texte sera examiné, et s'il survivra aux navettes parlementaires. Les modalités de contrôle posent également question : qui vérifiera que les conventions sont bien signées dans les délais ? Quelles sanctions en cas de fausse déclaration ?

Un débat qui ne fait que commencer

Cette proposition de loi marque un tournant : elle fait entrer l'État dans la gestion des affaires familiales au nom de l'intérêt collectif. Un équilibre délicat entre liberté individuelle et nécessité économique, qui alimentera sans doute les débats lors de son examen au Parlement.

Une chose est sûre : le temps de l'indivision passive et des héritages qui s'enlisent pourrait bientôt toucher à sa fin.

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