Crise du logement : quand la collocation entre générations ouvre de nouvelles portes

Il est vingt-deux heures trente et Madeleine*, 80 ans, n’est pas encore rentrée du théâtre. Ça ne lui ressemble pas. Lisa*, 20 ans, commence à s’inquiéter et décroche son téléphone.

Les deux femmes parviennent à se joindre et se rassurent : Madeleine est bel et bien dans le taxi qui la raccompagne chez elle.

Lisa et Madeleine n’ont aucun lien de parenté, pourtant, elles vivent sous le même toit et veillent l’une sur l’autre : “C’est précisément la raison pour laquelle j’ai voulu faire de la colocation intergénérationnelle,” explique Madeleine, en se remémorant cette anecdote. “Mes enfants sont loin alors, c’est rassurant de savoir que quelqu’un se soucie de moi,” poursuit-elle.

Propriétaire d’un appartement Haussmannien de 200m2 dans le 8ème arrondissement de Paris, Madeleine a choisi de faire appel à l’association Ensemble 2 Générations pour lui trouver une jeune colocataire.

Introduite dans le cadre de la loi ELAN en 2018, cette solution repose sur un contrat solidaire entre un senior de plus de 60 ans et un jeune de moins de 30 ans. Le principe est simple : un loyer modeste en échange d'une présence bienveillante et de petits services au quotidien.

"Quand on vit seule à 80 ans, il y a des moments où l’on se sent vulnérable."

"Si on tombe, personne n’est là pour nous relever ou appeler les secours," confie Madeleine.

Cette formule permet aux seniors de briser l'isolement tout en aidant les jeunes à accéder à un logement abordable, souvent dans des zones tendues.

"J’étais prise en stage à Paris et j’avais deux semaines pour trouver un logement. Il y avait très peu d’offres d’appartements et avec mon budget, c’était impossible,” se souvient Lisa.

Après des échanges avec l’association, et sur la base de leurs centres d’intérêt communs, Lisa s’est finalement vu proposer de vivre avec Madeleine pour un loyer de 350 euros par mois, toutes charges comprises. Une solution précieuse, alors que la crise du logement chez les jeunes s’intensifie.

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Une crise du logement sans précédent pour les jeunes

En France, la question du logement reste un défi majeur pour les jeunes. Selon une étude de l'INSEE de 2022, 51 % des jeunes de 18 à 29 ans vivent encore chez leurs parents, faute de moyens financiers ou d'offres accessibles.

Dans les grandes villes comme Paris, où le loyer moyen dépasse les 1 100 euros pour un studio, se loger devient une mission presque impossible sans soutien familial. D'après une enquête de *LocService de mai 2024, le budget logement des étudiants est en moyenne de 685 € par mois.

Un montant largement en décalage avec la réalité du marché immobilier.

La situation est particulièrement tendue dans les métropoles. À Paris, 1 logement étudiant est disponible pour 10 demandes, selon l’Observatoire de la Vie Étudiante. Face à cette pression, de nouvelles formes de logement solidaire comme la cohabitation intergénérationnelle apportent une réponse concrète. L’association Ensemble 2 Générations, créée en 2006, a déjà permis la formation de 7500 binômes à travers la France, démontrant l’intérêt grandissant pour cette solution.

"Vivre chez Madeleine m’a permis non seulement de trouver un logement, mais aussi un équilibre."

"On partage des moments ensemble, tout en gardant chacune notre espace," raconte Lisa.

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Une alternative humaine et économique

Selon une étude menée par le réseau Cohabilis, 85 % des seniors engagés dans ce type de colocation se déclarent moins seuls, tandis que 94 % des jeunes affirment que cette expérience a changé leur vision du vieillissement.

Pour Madeleine, accueillir Lisa est plus qu’un simple arrangement pratique.

‍“Ça redonne de la vie à la maison. J’entends rire, je découvre des choses que je n’aurais jamais connues seule.

"C’est aussi une manière de rester connectée au monde.”

En période de crise du logement et de solitude croissante chez les seniors, ces initiatives réinventent le vivre-ensemble et montrent que solidarité et cohabitation peuvent être des solutions viables pour relever les défis contemporains.

*les prénoms ont été modifiés