Décryptage

Logement : quand les discriminations bloquent l’accès au toit

La couleur de peau, plus discriminante que le nom

Une étude menée par "The Conversation" auprès d'étudiants en immobilier a mis en lumière un constat glaçant. Les chercheurs É. Tovar et M. Bunel ont soumis un dossier unique : même revenu, même stabilité, même nom. Une seule variable changeait : la couleur de peau du candidat sur la photo.

Résultat ? Les candidats perçus comme non-blancs ont reçu entre 25% et 30% de réponses en moins que leurs homologues blancs. Même profil, mêmes garanties, mais une discrimination qui s'opère au premier regard. Cette expérience, réalisée en 2025, révèle que le prénom (souvent pointé du doigt dans les débats sur la discrimination) n'est pas le seul facteur. La couleur de peau joue un rôle déterminant, parfois même davantage.

L'origine, deuxième critère de discrimination

Si l'on regarde les chiffres globaux, l'origine perçue arrive juste derrière le handicap parmi les motifs de discrimination dans l'accès au logement. Loin devant l'âge ou la nationalité. Ce qui signifie qu'un candidat peut être français, avoir un travail stable et des revenus confortables, mais se voir opposer des refus tacites simplement parce que son nom ou son apparence évoque une origine étrangère.

Le mécanisme est souvent subtil. Pas de refus frontal, mais des absences de réponse, des visites qui se font attendre, des dossiers "en cours d'étude" qui ne débouchent jamais. Une discrimination feutrée, difficile à prouver, mais qui allonge considérablement le temps de recherche.

Le logement social n'échappe pas au phénomène

On pourrait croire que le secteur du logement social, encadré par des règles strictes, échappe à ces dérives. Une expérience récente prouve le contraire. Deux candidates fictives ont déposé des demandes de logement social (DLS) par mail. L'une avec un prénom français classique, l'autre avec un prénom d'Afrique de l'Ouest. Même situation, même profil.

La candidate au prénom français a obtenu des réponses rapides et un accompagnement complet. L'autre a essuyé des silences ou des réponses partielles. Près d'un tiers des guichets d'enregistrement n'ont même pas répondu à la candidate au prénom africain. Et parmi ceux qui ont répondu aux deux, près d'un quart ont accompagné plus intensément celle au prénom français.

Cette différence de traitement, même involontaire, crée une inégalité d'accès dès le départ du processus.

Des délais qui creusent les inégalités

Les conséquences de ces discriminations ne sont pas anecdotiques. Elles se traduisent en mois d'attente supplémentaires, en démarches multipliées, en découragement. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en moyenne, 4 personnes sur 5 perçues comme "blanches et françaises" décrochent un logement en moins d'un an.

À l'inverse, seulement 2 personnes sur 5 perçues comme étrangères y parviennent dans le même délai. Le temps de recherche double. Les situations précaires s'aggravent. Les familles restent dans des logements inadaptés, les jeunes actifs galèrent dans des hébergements provisoires.

Cette inégalité d'accès n'est pas seulement une injustice : elle fragilise des parcours de vie entiers.

L'inconscient, terreau des discriminations

Beaucoup de propriétaires et d'agents immobiliers ignorent qu'ils peuvent discriminer. Ils pensent simplement "privilégier un profil rassurant", "opter pour le candidat le plus fiable". Mais derrière ces justifications se cachent souvent des biais inconscients, nourris par des stéréotypes.

L'étude MICADO, menée avec le Défenseur des droits, a montré qu'un simple courrier de sensibilisation envoyé aux bailleurs permet de réduire les discriminations à la location pendant 15 mois. Preuve que l'information et la prise de conscience peuvent faire évoluer les pratiques.

Il faut aussi rappeler un point juridique essentiel : refuser un logement pour un motif lié à l'origine, la couleur de peau, le sexe ou le handicap est pénalement répréhensible. La loi française définit 23 critères de discrimination et les sanctionne dans plusieurs domaines, dont le logement. Mais entre la théorie et la pratique, le fossé reste immense.

Des solutions existent

Face à ce constat, des pistes concrètes émergent. À Seattle et Portland, aux États-Unis, certains bailleurs appliquent le principe du "premier arrivé, premier servi". Le premier dossier complet reçu est celui retenu, sans mise en concurrence. Une méthode qui évite toute comparaison subjective entre candidats.

Autre levier : l'anonymisation totale des dossiers. Retirer les prénoms, noms et photos permet d'évaluer uniquement les critères objectifs : revenus, stabilité, garanties. Certaines plateformes commencent à expérimenter ce système en France.

Ces solutions ne sont pas miraculeuses, mais elles offrent une base pour rendre le processus plus équitable. Chaque geste compte pour rendre le logement accessible à tous, sans que la couleur de peau ou l'origine ne vienne fermer des portes avant même qu'elles ne s'ouvrent.

Attention : Toutes les différences de traitement ne sont pas qualifiées de discrimination par la loi, qui définit précisément 23 critères (dont l'origine, la religion, l'apparence physique...) et des domaines précis (l'emploi, le logement, l'éducation...).

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