Toute copropriété peut, pour différentes raisons, se retrouver en difficulté. Il existe des procédures permettant de redresser les copropriétés en difficulté. Qu’est-ce qu’une copropriété en difficulté et à quel moment faut-il s’inquiéter ? Quelles procédures enclencher en cas de difficultés dans la copropriété ? Qui intervient à quel moment ? On vous dit tout dans cet article !
Comment savoir si une copropriété est en difficulté ?
Une copropriété est en difficulté lorsque son équilibre financier est gravement compromis. Concrètement, la copropriété ne parvient plus à faire face à ses dépenses annuelles malgré la collecte des charges de copropriété via les appels de fonds. Pour rappel, l’appel de fonds est envoyé après l’établissement d’un budget prévisionnel annuel par le syndic de copropriété.
Certaines copropriétés peuvent être plus facilement exposées à ce danger du fait de leur nature fragile. Cela peut être dû à la taille de l’immeuble, sa localisation ou bien encore l’état du bâti.
Les facteurs aggravant la situation d’une copropriété en difficulté
On peut identifier deux facteurs susceptibles d’amplifier le risque pour une copropriété de se retrouver en difficulté :
Des charges trop élevées
Des charges trop élevées et un budget non maîtrisé entraînent des risques d’impayés. Les débiteurs peuvent être de bonne foi si par exemple l’impayé est dû à des difficultés financières. Dans ce cas, des accords peuvent être mis en place avec le syndic, tel qu’un échelonnement des paiements ou un report des charges.
En revanche, certains copropriétaires sont de mauvaise foi, notamment dans le cas où ils contestent le montant de leurs charges et refusent de s’en acquitter.
En cas d’impayés trop importants, la copropriété peut se retrouver en difficulté car le syndic ne pourra plus payer les différents fournisseurs de la copropriété, cette dernière sera alors laissée à l’abandon.
Une dégradation de l’immeuble
Repousser pendant longtemps de gros travaux inévitables (une réfection de toiture par exemple) par le moyen de petites interventions moins coûteuses peut mener à une impasse. En effet, quand arrive le moment de réaliser les vrais travaux dans l’urgence, la copropriété peut se retrouver dans l’impossibilité de faire face à de grosses dépenses imprévues.
Les documents à surveiller
Certains documents peuvent renseigner sur l’état des comptes de la copropriété. Tout copropriétaire peut les consulter en effectuant une demande auprès du syndic. Ces documents sont par ailleurs joints aux convocations à l’assemblée générale annuelle. On retrouve notamment :
- La balance générale des copropriétaires : ce document répertorie le solde de tous les copropriétaires. Il permet aussi d’avoir une visibilité sur les créances douteuses. Ces dernières présentent le risque de devenir impossibles à payer en raison de l’importance du montant ;
- Les extraits des comptes individuels des copropriétaires débiteurs : il s’agit de l’historique des appels de fonds, les règlements crédités et les relances. Cet extrait d’archives permet d’avoir une visibilité sur l’état des comptes des mauvais payeurs ;
- L’état du suivi contentieux : ce document liste toutes les actions entreprises par le syndic de copropriété dans le but de recouvrer les créances. Cela implique les relances, les mises en demeures, les échéanciers, les recours à des huissiers, etc .
Le taux d’impayés indicateurs
Certains seuils d’impayés permettent de savoir quand il est nécessaire de déclencher une procédure d'alerte :
- Lorsque le taux des charges impayées dépasse les 15% du budget prévisionnel dans une copropriété de plus de 200 lots, on considère que la situation inquiétante ;
- À partir de 25% de charges impayées du budget prévisionnel dans une copropriété de moins de 200 lots, on considère que la copropriété est en difficulté.
Quelle est la procédure d’alerte pour une copropriété en difficulté ?
La procédure d’alerte pour une copropriété en difficulté est encadrée par les articles 29-1 A et B de la loi du 10 juillet 1965. Il s’agit d’une mesure préventive dont le but est d’analyser et d’identifier les difficultés rencontrées avant que l’équilibre de la copropriété ne soit gravement compromis.
Qui enclenche la procédure d’alerte dans une copropriété ?
Cette procédure dépend du mode de gestion adopté par la copropriété. Pour rappel il existe trois types de syndic :
- Le syndic professionnel : il s’agit d’une entreprise externe qui gère l’immeuble en échange d’honoraires ;
- Le syndic bénévole : c’est lorsqu’un copropriétaire est élu en assemblée générale en qualité de syndic de copropriété ;
- Le syndic coopératif : c’est légalement le président du conseil syndical qui agit en qualité de syndic de copropriété, mais dans les faits, les autres membres du conseil syndical participent à la gestion de la copropriété selon leurs affinités/disponibilités.
Lorsque la copropriété est gérée par un syndic professionnel ou bénévole, ce dernier doit informer le conseil syndical par lettre recommandée avec accusé de réception de la situation. Le syndic a pour obligation de communiquer à tous les conseillers syndicaux l’état des impayés avant répartition à la date de clôture des comptes.
Lorsque la copropriété est en syndic coopératif, le président du conseil syndical qui, pour rappel, a la qualité de syndic, doit engager la procédure en ayant consulté au préalable les conseillers syndicaux.
Le syndic et le conseil syndical s’adressent au tribunal judiciaire du lieu de l’immeuble, pour nommer un mandataire ad hoc. La demande est faite par voie de requête ou de référé pour les situations d’urgence.
Le syndic en gestion professionnelle et bénévole ou bien le président du conseil syndical en gestion coopérative dispose d’un délai d’un mois à compter de la date de clôture des comptes pour faire la demande. Sans réaction de leur part, la procédure d’alerte peut aussi être enclenchée par différentes parties prenantes de la copropriété, il peut s’agir :
- D’un ou plusieurs copropriétaires, à partir du moment qu’ils représentent 15% des tantièmes ;
- De fournisseurs d’eau, d’électricité ou toute autre entreprise externe ayant réalisé une prestation pour la copropriété et n’ayant pas reçu de paiement six mois après la réalisation du service ou de la prestation, et ce, malgré différentes relances envoyées au syndic.
Quelles sont les missions du mandataire ad hoc ?
Le président du tribunal judiciaire du lieu de l’immeuble désigne un mandataire ad hoc et définit ses missions et sa rémunération. Ce dernier devra analyser la situation financière de l’immeuble, vérifier l’état et la sécurité du bâtiment pour ensuite présenter un rapport dans les trois mois suivant l'achèvement de sa mission. Le rapport doit contenir les éléments suivants :
- L’état des lieux de l’organisation de la copropriété, d’un point de vue juridique, techniques (sur l’état du bâti) et financier ;
- L’identification de la source des problèmes ;
- La recommandation de solutions et le calendrier des actions à entreprendre.
Le syndic a pour obligation de transmettre au mandataire ad hoc tous les documents nécessaires à la réalisation de sa mission. L’envoi des documents doit se faire dans les 15 jours suivant la nomination du mandataire.
Le rapport est transmis par le tribunal au syndic, au conseil syndical ainsi qu’au maire ou au préfet de la commune de l’immeuble.
Le syndic a pour obligation d’informer par lettre recommandée avec avis de réception ou courrier électronique l’ensemble des copropriétaires de la disponibilité et la possibilité de consulter le rapport.
Les projets de résolution concernant les actions préconisée doivent être inscrits par le syndic dans l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale pour être débattus. Les délais pour tenir l’assemblée générale sont les suivants :
- Dans les 6 mois suivant la date de remise du rapport si aucune mesure d'urgence n'est recommandée ;
- Dans les 3 mois suivant la date de remise du rapport si des mesures d'urgence sont préconisées.
L’administrateur provisoire pour une copropriété en difficulté
L’objectif de cette seconde procédure est de rétablir le fonctionnement de la copropriété lorsque sa situation financière est gravement compromise, ou que le syndicat des copropriétaires n’est plus en mesure d’assurer la conservation de l’immeuble.
Comme vu précédemment, la demande se fait également par voie de requête ou de référé pour les situations d’urgence.
Qui peut saisir le juge pour la désignation d’un administrateur provisoire ?
L'une des personnes suivantes doit saisir le tribunal judiciaire du lieu de l’immeuble pour faire nommer un administrateur provisoire :
- Le syndic de copropriété après consultation auprès du conseil syndical, si la copropriété en a un ;
- Un ou plusieurs copropriétaires représentant au moins 15% des tantièmes de la copropriété ;
- Le procureur de la République ;
- Le maire du lieu de la copropriété ;
- Le mandataire ad hoc.
Le juge désigne un administrateur provisoire qui prendra en charge la gestion de la copropriété. L’administrateur remplace le syndic en récupérant tous ses pouvoirs pour une durée minimale d’un an. Le syndic de copropriété sera donc dessaisi, sans aucune indemnité.
Le conseil syndical et l’assemblée générale perdent également une partie ou la totalité de leurs pouvoirs selon l'appréciation du juge. Le conseil syndical conserve cependant le droit d’être consulté.
Quelles sont les missions de l’administrateur provisoire ?
La mission de l’administrateur provisoire est définie par le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble. Il est principalement chargé d’appliquer les mesures nécessaires à la remise en marche normale de la copropriété.
Pour chaque décision prise par l’administrateur, il devra mentionner cette mesure sur les procès-verbaux d’assemblée générale. Chaque copropriétaire devra en être informé par lettre recommandée avec accusé de réception ou par courrier électronique s’il a préalablement validé ce mode de correspondance.
Voyons maintenant en détail les conséquences de la mise sous administration provisoire d’une copropriété ci-après.
La suspension des créances
Les précédentes créances sont suspendues ainsi que les remboursements d’emprunts collectifs qu’aurait contracté le syndicat des copropriétaires pour financer des travaux par exemple.
Toutes les actions en justice contre le syndicat des copropriétaires sont également interrompues.
La déclaration de créances
Tous les créanciers de la copropriété peuvent déclarer leurs créances dans les 3 mois qui suivent la désignation de l’administrateur provisoire. La déclaration est adressée à l’administrateur provisoire et se fait par courrier recommandé avec accusé de réception.
Le projet d'échéancier du règlement des dettes
L’administrateur provisoire vérifie les créances déclarées et établit la liste des créances ainsi qu'un échéancier de paiements. Les créanciers sont notifiés du projet d’échéancier par lettre recommandée. Ils peuvent faire part de leurs retours, observations ou contestations dans les deux mois suivant la notification.
L’échéancier définitif du règlement des dettes
L’administrateur établit et communique l’échéancier définitif au tribunal afin qu’il soit homologué par le juge. Le plan de règlement des dettes doit mentionner :
- L’état des dettes : si elles sont déclarées par le créancier auprès de l’administrateur provisoire ou qu’il a pris des garanties (hypothèque légale ou sûretés par exemple) ou non recouvrables si le débiteur est insolvable, ou si les dettes sont prescrites (le créancier n’a pas engagé de procédure en justice contre le débiteur dans les deux ans suivant l’impayé) ;
- La durée du plan de règlement des dettes ;
- Le budget prévisionnel de la copropriété sur la durée du plan ;
- L’échéancier des appels de fonds destinés aux copropriétaires ;
- Le détail des échéanciers de paiement pour chaque créancier.
À noter que le plan de règlement des dettes ou le plan d’apurement définitif ne peut pas s’étaler sur plus de 5 ans. Le conseil syndical, tous les copropriétaires ainsi que les créanciers doivent être notifiés par lettre recommandée avec accusé de réception ou par courrier électronique.
La fin de mission de l’administrateur provisoire
L'administrateur a pour obligation de rendre compte de sa mission dans un rapport destiné au tribunal judiciaire du lieu de l’immeuble au moins une fois par an. Ce document mentionne toutes les mesures nécessaires au redressement de la situation financière de la copropriété.
Tous les copropriétaires doivent être informés de la possibilité de consulter le rapport. L’administrateur doit leur adresser individuellement une lettre recommandée avec avis de réception ou un courrier électronique.
L’état de carence pour une copropriété en difficulté
Il s’agit de la procédure la plus sévère, c’est lorsque le syndicat des copropriétaires n’est plus en mesure d’assurer la conservation ou la sécurité de l’immeuble et ses occupants.
L’état de carence est déclaré par le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble suite à l'intervention et la conclusion d’un ou plusieurs experts ayant constaté la gravité de la situation. Le recours à cette procédure peut être lourd de conséquences et entraîner dans les cas extrêmes, l’expropriation de l’immeuble. Cela signifie que la copropriété passe dans le domaine public.
Lorsque c’est le cas, un arrêté préfectoral est publié et fixe les indemnités versées à chaque copropriétaire. Les occupants disposent alors d’un délai de deux mois pour quitter les lieux à compter de la date de publication de l’arrêté.